Cosmogonie secrète racontée par
Judith Benhamou-Huet
Je suis allée à Anvers.
Sur la place de la cathédrale tout près de la statue du dieu local, Rubens, Les cloches n’arrêtaient pas de retentir. Je suis allée à Anvers.
Il pleuvait comme les cloches sonnaient. Il faisait froid.
Dans l’atelier de Rubens les femmes charnelles et nues ressemblaient à des bêtes de plaisir et les sangliers s’attaquaient aux guerriers, sauvagement.
Je suis allée au musée à Anvers et je l’ai vue elle : la dame de beauté.
Une héroïne du Moyen Age morte comme il se doit à 28 ans. Avant cela elle avait été immortalisée par l’immense Jean Fouquet.
La dame blanche était là, reine du musée et maitresse du roi pour l’éternité.
On dit « la favorite ». Agnès Sorel était encore plus plastique que les belles de Rubens mais d’une autre manière.
Longue, pâle, hiératique, mère nourricière et maitresse imaginative. Les lacets de son corsage éclatent. Un sein dehors, obus désarmant, elle va nourrir l’enfant déjà tout à fait satisfait. Le cheveu est absent. Les sourcils aussi. Son visage est un paysage vallonné. Son front est immense. Il sert de faire-valoir à une couronne offerte par son amant qui veut la couvrir de ses désirs. J’ai rêvé que la belle Agnès Sorel était une femme chevalier avec ses armes à elle.
Sur ce buste de la concupiscence elle aurait porté un collier alourdi par un pendentif –blason. Protection alchimique. Héraldique céleste. En son cœur des pierres dures gravées des quatre éléments. Agnès belle du roi et vierge de Fouquet est tout à la fois.
Elle est le feu, l’amour, la salamandre : rouge. Elle est l’air, l’aigle, l’azur : bleu.
Elle est l’eau qui glisse entre les doigts, la grâce du dauphin : verte.
Elle est la terre pour être bien plantée, le lion rugissant et puissant : noire.
Elle est Agnès. La guerrière porte une chevalière. Là, les quatre saisons sont réunies en une seule.
L’hiver je suis aigue-marine, diamant et péridot.
L’été je suis topaze, citrine et saphir.
Voici mon pile, voici ma face. Je ne joue pas.
Gemmes, intailles, blasons. Pendants d’oreilles, colliers et médaillons.
Les pièces d’une seule couronne, celle de la vierge maitresse.
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Comme disait Voltaire
« Sous un cou blanc qui fait honte à l’albâtre »
La volupté, dont Agnès a sa part, lui donne encore une grâce nouvelle.